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Histoire du village de Damantan
Propos du Khalife de Damantan, Sankoun Niabaly, recueillis par Abdoulaye Kanté
Mis en ligne : mardi 31 mars 2020

L’ancien village inhabité de Damantan se trouve à l’intérieur du Parc National du Niokolo-Koba, mais il était un lieu d’habitation dynamique à l’extérieur du parc quand celui-ci a été créé en 1954. Ce village est cher aux anciens habitants déplacés au nouveau village du même nom, et héberge le mausolée du premier Khalife du village. Le mausolée, qui fait l’objet d’un pèlerinage annuel des fidèles, peut être visité par les touristes du parc.

Mausolée du Khalife de Damantan




Le village de Damantan a été fondé par le Kalife Alime Fodé Salime Niabaly. Il avait comme fils Kramo et Alime Niabaly. Salime Niabaly était un grand marabout et chef du village. Il a été remplacé tour à tour par ses deux fils, puis par son petit-fils qui partage avec nous la présente histoire.

Quand Léopold Sédar Senghor cherchait à être élu Président du Sénégal, il a sollicité les prières du marabout de Damantan, et ce dernier lui a dit qu’il serait président mais lui a confié ceci : "je veux que vous laissiez ma population vivre là où elle est."

Le premier garde forestier de Damantan était Dialla Cissokho qui a été remplacé par Amadou Ba. C’est ainsi qu’un nommé Rousane a installé un campement de chasse à Damantan - son gardien était mon oncle Ansou Sané. Après lui un autre nommé Marcel a aussi installé un campement - Aliou Dafé a été son gardien. Leurs clients partaient à la chasse en ne tuant que des mâles ; comme ils n’avaient besoin que de la tête des bêtes, ils donnaient la viande à la population.

Cela a continué pendant de longues années, jusqu’à ce qu’un officier de la Garde républicaine nommé Oumar Sambe a installe les gardes républicains à Oubadji [à la limite sud du Parc National à la frontière avec la Guinée]. Ils arrêtaient les commerçants qui traversaient le parc, et ces derniers lui ont tiré dans la jambe.

Pendant 10 ans Oumar Sambe parlait du déplacement du village de Damantan en proposant que la population parte dans les villages d’Oubadji ou de Madina Gounas, et un jour ils sont venus à Damantan pour évacuer la population. Mais Senghor s’est rappelé de sa rencontre avec le marabout, et a dit que maintenant tous les petits villages seraient déplacés à Damantan pour en faire un grand village.

Les vœux du président n’ont pas abouti parce qu’André Roger Dupuy, premier Directeur des Parcs Nationaux, a eu un différend avec un villageois qui s’appelait Bamoussa Niabaly. Ce dernier a tué dans son champ avec son lance-pierres un singe patas ; Dupuy et Bamoussa se sont querellés et les villageois ont hué Dupuy. Dupuy avait beaucoup d’ influence au Sénégal - il était très proche du président Senghor et a insisté pour que le village soit déplacé.

Ils ont chargé Mady Cissokho de l’exécution de cette mission. Mon grand-père lui a dit de faire attention en disant : "Nous savons que nous allons bouger, mais toi tu devrais faire attention, sinon tu finiras mal." Mais Cissokho n’a pas écouté, et après cela il a perdu beaucoup de son influence et est tombé gravement malade.

Ils ont tenu une réunion à Kaolack, et ensuite ils ont invité les sages à Tambacounda et, après cette rencontre, il y a eu un accord avec le président guinéen Sékou Touré pour qu’il cesse de soutenir les revendications des villageois. Après la disparition du marabout le gouvernement a finalement tranché - c’était en 1972. La population a donc été déplacée dans le nouveau village de Damantan en dehors des frontières du Parc National du Niokolo-Koba, sur la route nationale à 6 km du village de Dialacoto, actuel chef-lieu de Commune.

Avec la modeste prime octroyée par les autorités, les villageois ont pu construire des cases et planter des manguiers sur le nouveau site. Mais ils ont gardé le droit de se rendre en pèlerinage à l’ancien village où il y a des tombeaux du premier Khalife et de 6 autres vénérés, et à cette fin une piste de pèlerinage a été aménagée. Ce pèlerinage a lieu annuellement au mois de mai, et les pèlerins viennent de toute la région.

Vidéo du Pèlerinage d’avril 2019